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Mémo de mes mots des maux.

Je vide mon sac.

daily

Publié le 2 Novembre 2018 par AG

Il restait dans ma bouche pâteuse un goût de café froid, un goût de liberté et de sang.

Je me suis battue hier soir. J'ai croisé un homme qui m'a fait une remarque similiaire à "T'es bonne" en encore plus vulgaire, vous savez une remarque pleine de finesse, d'élégance et de romantisme parce que c'est comme ça le monde d'aujourd'hui. Moi, je suis pleine de colère alors je lui ai dis de se la fermer et c'est ce qu'il a fait, mais il m'a donné un coup de poing en plein milieu du visage, il m'a éclaté la lèvre inférieure et je pissais le sang. Je lui ai rendu, il me l'a de nouveau rendu, j'ai mis un coup de genoux dans son entrejambe, il m'a prise par les cheveux, il m'a mise par terre et m'a donné un coup de pied dans l'estomac. Je lui ai pas rendu.

Ce matin, je me suis levée la lèvre gonflée, elle commençait a tirer à cause de la cicatrisation, elle était légérement infectée et il y avait une grosse croûte de sang. J'ai roulé un joint, j'ai lancé la machine à café, j'ai plongé mon visage dans l'eau gelée, puis je me suis fais un bol de céréales. J'ai ouvert mon ordinateur portable, j'ai fumé mon joint, bu mon café, regardé les nouvelles du jour, joué du piano, regardé les nouvelles de la veille, vu une femme morte sous les coups de son mari, du coup je me suis roulé un autre joint.

J'ai appelé ma mère, le divorce c'est compliqué. Il donne plus de nouvelles et je ne suis plus sa fille. Il en a trouvé une autre, et apparemment il aime sa mère. J'ai appelé une amie, ce soir j'irai boire un verre, ou deux, ou trop. Une douleur soudaine dans le ventre, il a frappé fort celui d'hier soir...

Il est midi, je sors prendre l'air pour manger un sandwich jambon-beurre, ou une salade de quinoa, je ne sais pas trop, c'est un sacré dilemne. Dans la file de la boulangerie, devant moi une fille de 14 ans je dirais, très jolie et courageuse, parce qu'il y a ce mec d'une cinquantaine d'années qui la reluque de haut en bas et qui lui sourit et lui fait des clins d'oeil. Je prend un sandwich, un café, je me pose devant sur une table mouillée par la pluie et je regarde les gens passer. Dans 15 minutes je commence le boulot, je me presse.

"T'es passé sous le bureau ou quoi", ça c'est Daniel mon collègue depuis 4 ans qui pense être drôle. J'ai une promotion, une raison de plus pour fêter ça ce soir. "Vous allez finir par gagner autant que nous les femmes, et prendre notre place!", ça c'est encore Daniel, et je pense qu'il se croit encore drôle.

20 heures, je suis enfin prête, j'ai mis une belle robe verte et je me suis maquillée jusqu'à ne plus me reconnaitre. Je me sens belle et confiante. Après une vingtaine de sifflements j'arrive au bar, je raconte la veille à mon amie et deux hommes nous entendent. Le premier me dit que je devrais faire attention, qu'il faut pas que je sorte seule le soir parce qu'il y a des "fous" dehors, que les mecs sont mal intentionnés, le second dit "Arrête on est pas tous comme ça" puis il rajoute qu'il pourrait m'accompagner les prochaines fois pour me protéger.

Je ne dis rien, je leur montre explicitement mon désinterêt mais ils arriveront quand même a rester une demie-heure, essayant en vain d'être admiré par deux femmes qu'ils sous-estiment. (Ils attendent peut-être qu'on reconnaissent leur statut de mâle dominant et qu'on les écoute nous draguer toute la soirée, qu'on leur "offre" notre corps pour qu'ils finissent par oublier notrer prénom le lendemain?)

Un vieux bourré nous appelle les lesbiennes et veut nous offrir un verre en échange d'un baiser, le second homme de tout à l'heure revient à la charge avec son air protecteur, il me défend comme un territoire. Je le regarde, il me regarde, je lui demande "Tu trouves pas ça absurde que les hommes pensent qu'on a besoin d'eux pour nous défendre des hommes?", il me regarde, je le regarde. "Encore une féministe de merde".

Puis je me met au lit en me taisant, encore une fois, encore une journée, encore une nuit, j'ouvre le store et je fume un joint, un homme me sourit et je ne lui sourit pas, il hurle que je suis jolie et je répond pas, alors il hurle que je suis une sale pute et que je pourrais être polie parce que c'était un compliment. Je ferme mon store et je m'endors les joues humides

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Je me réveille avec la bouche pateuse, un goût d'alcool et des remontées acides, la lèvre enflée et du sang sur mes draps, aucun arôme de liberté mais je regarderai quand même les nouvelles aujourd'hui.

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